Le principal obstacle pour danser le tango argentin
Danser le tango
Le principal obstacle pour apprendre à danser le tango argentin, et danser avec plaisir dans nos milongas, l'obstacle majeur, ce qui freine tout progrès dans le tango, c'est la tension que nous avons dans le buste, ce sont les émotions par lesquelles nous sommes emporté(e)s au contact de l'autre - le désir de faire bien, le désir d'être regardé(e), la peur de mal faire, la peur de ne pas être... à la hauteur, le désir de montrer toutes les figures qu'on a réussi à faire en cours, le désir de faire plaisir au danseur qui nous a invité ou la peur de le décevoir et d'être dans la foulée condamnée à demeurer éternellement assise sur la chaise, bref, les peurs et les désirs se déclinent sous toutes les formes...
Cela soulève des rancoeurs enfouies, des frustrations, des jalousies, des ambitions, toute la misère et la splendeur de l'être humain sont mises en exergue dans un bal. D'où l'ancien sous-titre de mon blog: "Nos intrigues et richesses humaines"...
Le tango argentin est avant tout une voie émotionnelle, avant d'être une éducation du corps; un chemin tantrique, avant d'être un lien social; une école de la vie pour laquelle notre société n'est pas encore habituée, ni vraiment préparée : le tango - et son apprentissage - renoue d'ailleurs avec la tradition, celle que la société de consommation, individualiste, spéculative et industrialisée, tend à détruire au profit d'un affaissement des valeurs spirituelles positives qui font la beauté et la force de notre humanité, une société en opposition avec le respect des cycles naturels de la vie et de notre planète dont notre corps dépend.
Nous ne pouvons approfondir l'Art de danser le tango avec joie et sans nous faire souffrir les uns les autres que si et seulement si nous nous plaçons dans la compréhension profonde du mouvement, si nous décortiquons une figure jusqu'à comprendre intérieurement comment notre schéma dynamique corporel fonctionne réellement sans qu'aucune crispation ni des bras, ni du corps entier, ne vienne interférer...
Tout passe par un profond relâchement, et nul n'est besoin de mettre une énergie considérable : nous n'avons aucun besoin de ressentir une force d'opposition de l'autre : l'absence d'opposition est perturbante, pourtant c'est à partir d'elle que naît le mouvement.
Par contre cela demande de faire appel aux ressources intérieures du corps : celles-là même que nous avons utiliser lorsque nous étions encore à quatre pattes et qu'une force étonnante nous poussait inexorablement à nous relever, à nous tenir debout, puis à... marcher, comme notre père, notre mère. Le tango argentin est une occasion merveilleuse de réapprendre à marcher, grâce à la dynamique du couple et de la musique, à nous affirmer dans notre corps en allant à la rencontre de nos émotions enfouies.
Nous nous devons impérativement de nous déconditionner d'une société qui agit sur notre mental, l'endoctrine jusqu'à nous faire croire que nous sommes de vieux occidentaux incapables de nous mouvoir dans l'intelligence d'un corps qui est une sublime biomécanique au service de notre évolution spirituelle.
L'éveil des chakras, personnellement, j'ai toujours trouvé cela assez sorcier, à l'instar de l'ouverture du troisième oeil, ou encore du réveil du serpent de la Kundalini.
Ce qui me parle d'une façon bien plus éblouissante, c'est comment aligner nos centres de gravité, bassin, buste, tête, et aligner nos désirs, nos peurs, nos sentiments, notre parole, notre intuition, notre foi dans une seule et même direction, celle qui fait de nous des êtres célestes.
C'est alors que mes cours de tango argentin m'ont conduit petit à petit à donner un sens véritable à ma direction spirituelle, non pas au travers de livres sur la spiritualité vivante, mais bel et bien par le biais d'une problématique foncièrement concrète : comment guider n'importe quel mouvement à ma danseuse, comment interpréter la musique avec elle, comment rester connectée avec mon cavalier, lui faire ressentir mon axe, mon appui, me laisser bercée, et transportée dans un voyage sublime sans sacrifier ma personnalité, avec harmonie et pour notre plaisir de marcher, danser, sur de belles musiques?
Comment retrouver ma place d'homme civilisé, de femme libérée et dont le corps est le fruit de la Terrre Mère Nourricière? Comment célébrer la beauté de notre être, son mystère, par une danse en couple, par le... tango rioplatense?
Avignon, le 13 août 2013