C'est une femme libérée, malheureusement
Tango Mystique - chapitre 17
La danseuse de tango, pour être une femme libérée, c'est une femme libérée, malheureusement. La tanguera ne devrait faire que ce qu'elle ressent, or son corps mental et sa volonté de puissance alimentent son corps, d'automatismes et de schémas fantasmés du tango argentin, ce qui dénature le guidage, la connection, et brise l'harmonie du couple. Elle devrait s'occuper de son transfert de poids, de l'évolution dynamique de son axe vertical, travailler sa jambe d'appui et libérer sa jambe libre.
Au lieu de quoi, elle remet à son cavalier la responsabilité de sa propre autonomie. Ce faisant, elle dresse des barrières au sein de l'abrazo, quand bien même elle croit se donner dans son abrazo cerrado, elle ne fait qu'imposer des tensions supplémentaires, autant d'interférences qui brouillent la communication issue de l'énergie du sol que lui offre si généreusement son danseur.
La milonga semble être un terrain d'expression de l'égo: la femme, au même titre que l'homme, ne doit pas s'imaginer qu'elle est dispensée de ce travail sur elle-même qui consiste à ranger soigneusement son égo et ses fantasmes de ballroom majestueux afin d'offrir ce qu'elle a de meilleur au couple éphémère dans le bal.
Mais c'est une femme libérée, parce que notre société de consommation lui a expliqué que maintenant les femmes sont libérées du joug patriarcal.
Cela ne me dérange pas le moindre du monde, bien au contraire. Je guide, tu es guidée. Maintenant, si tu m'imposes tes fantasmes du tango argentin, je ne peux plus rien faire pour toi: choisis le cavalier qui acceptera de danser avec la femme libre que tu es, car je sais bien que tu es devenue enfin une libérée vivante, un peu à la façon de Bouddha, imposes donc ton fantasme de Buenos Aires à qui tu veux, après tout tu es enfin libre de choisir et de façonner ton couple de tango selon ton humeur.
Quoi? Une femme libérée, maestra de la mirada, me faisant des tas de remontrances sur l'art d'inviter par le regard... mais quand il s'agit de genuflexion, il n'y a plus personne... Où sont les femmes? Celles qui se trouvent encore dans leur corps?
Bien sûr, l'émotion du tango, qu'est-ce que j'en fais, moi, le huitième fou? Qu'on me jette la pierre, mais l'émotion du tango se trouve chez la débutante aussi. L'émotion du tango se vit aussi dans l'imaginaire collectif, ou à la maison, par des femmes qui ne dansent pas, qui regarde Danse avec les stars, et qui fantasment tout autant.
L'émotion... C'est du désir et de la peur. Ni plus, ni moins. Sous prétexte de venir en milonga uniquement pour vivre l'émotion de l'abrazo cerrado exagerado, ces dames tournent le dos au travail, à l'effort à faire sur leur mental, leur égo. Mais n'est-ce pas là la première cause de notre déception devant un enlacement collé serré qui panique, qui ceint jusqu'à l'étouffement. Si des hommes serrent, serrent encore, durcissent les muscles de leurs bras, de leur torse, c'est qu'ils ont ce désir infini de guider, ils réclament leur rôle devant des danseuses qui n'en font qu'à leur tête, se servent du danseur juste comme guide touristique de la piste de danse, quand elles ne s'en servent pas comme porte-manteau.
Je suis le huitième fou, je montre du doigt, et l'on me condamne au bûcher. Soit, j'étais un inquisiteur dans une vie antérieure, je ne mérite que de me retrouver à la place de mes victimes d'antan.
Je vous ai entendus: moi, misogyne? Si vous le souhaitez, si ça peut vous permettre de supprimer de votre mémoire tout ce que vous venir de lire. Je vous offense en touchant votre confort mental, et votre doux rêve de milonguero et de tanguera.
Je suis misogyne, c'est pour cela que je dis: tant que le danseur a cette sensation de résistance, de fermeté, de réponse non pas charnelle mais mécanique très prononcée dans l'abrazo, même dans un bon guidage, aussi bien en ouvert qu'en fermé, il maintient une autorité excessive sur la danseuse, qui empêche cette dernière de rentrer complètement dans son rôle de femme (dans son sens mystique).
Aïe! Femme mystique! Pourtant c'est bien ce que je souhaite pour la femme: d'être une libérée vivante!
Le danseur n'est pas encore parvenu alors à franchir les portes qui le conduisent également dans son rôle d'homme dans le sens mystique du tango argentin. A moins qu'il préfère continuer à sortir, au beau milieu de la piste de danse, sa caisse à outils, sa pince, sa tenaille, son tournevis, son marteau et son pied à coulisse...
Il nous faut partir du principe que le corps, le désir et la peur, le mental, l'esprit, ne font qu'un dans l'abrazo, UNO, et de nombreux obstacles qui verrouillent notre progrès, notre évolution naturelle sur le chemin de l'apprentissage du tango argentin, disparaissent progressivement dans la conscience que l'on place au sein de notre abrazo. Les réponses sont à la portée de nous tous, reste à les "voir", les "ressentir", ou: "connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers", et les secrets du guidage et de la connexion par la même occasion.
Parce qu'un éclair d'inquiétudes traverse mon esprit, que mon âme est soulevée par des flammes, que mon coeur se soulève, je demande à Jésus à quel endroit j'ai péché. Ainsi je pense souvent au tango, car ce que je donne aux autres, est un dépôt de gloire adressé à Dieu.
Contrairement à la femme moderne, non je ne suis pas un homme libre, je reste enfermé dans mon corps d'homme, je ne suis pas libre de jouer à la fois mon rôle de cavalier qui guide et de danseuse guidée.
Non, je ne suis pas un homme libre, quand bien même nous sommes protégés par les droits de l'homme, si je guide, je ne peux être guidé en même temps: voici neuf années que j'apprends mon rôle de cavalier, de guideur, en tango argentin, et je dois sacrifier mes fanstasmes du tango argentin pour apprendre déjà à respecter l'axe de ma danseuse, ses transferts de poids, ses articulations, ses tendons, sa colonne vertébrale...
Je ne peux me permettre, contrairement à la femme de notre société contemporaine, libérée qu'elle est au sein du couple, d'imposer à cette dernière tout et n'importe quoi de l'ordre du fantasme des salons canning de Buenos Aires!
Dans les nuits longues, quand des vagues déferlent en mon coeur, ainsi la Vierge Marie m'apparaît et je suis consolé, je demande pardon, mais nombreuses sont les voix qui essaient de me perdre, je suis l'orgueilleux, le jaloux, le médisant. Le tango m'invite sur le sentier de la bergerie, suis-je l'agneau, suis-je le berger?
Les secrets du guidage et de la connection, je les ai déposés dans mes entrailles. Me faisant l'épouse du tango, telle la mère du couvent qui abreuve ses enfants des Saintes Ecritures, mon guidage et ma connexion ne sont que des secrets, en Vérité je ne guide pas, le Seigneur est Verbe Créateur, je suis son danseur, son intrument, loin des dogmes, c'est pour quoi je voue un culte à l'abrazo mystique dans la fraternité du tango chrétien, je ne suis rien, ou pour le pire un pécheur, car Dieu descend soixante-dix fois par jour et me trouve si rempli de moi-même qu'Il ne peut y rester.
Lorsque je prends dans mes bras une femme libérée, malheureusement, je ne suis plus libre de danser tout seul, de fantasmer mon tango tel que je le veux, j'ai des responsabilités, celles du couple de danse, d'une danse qui se danse... à deux.
Que personne ne sache ma souffrance, tel est mon tango, l'amour de mes amours. Mon tango n'est qu'un outils ainsi qu'une communion avec la pécheresse, dans la tentation, le désir de Dieu est éprouvé, mais dans l'abrazo, à deux, nos corps ne font qu'une seule chair, à condition de nous placer sous la règle de Saint-Benoît. Parce que je guide, je me transforme, ma prière s'adresse au Père Eternel, il n'est jamais vain d'évoquer une parcelle du Tout-Puissant, ainsi est le feu du forgeron, entre son enclume et le marteau, emporté par la foule, dans le brasier de nos bals... Si j'étais vraiment libre dans notre couple, libre d'imposer mes fantasmes du tango rioplatense à l'intérieur de notre abrazo, quelle contrainte resterait-il afin de me permettre d'évoluer, de me perfectionner avec ma tanguera... libérée?
Avignon le 22 décembre 2014
Tango Mystique:
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Femme libérée
Le tango argentin se prête naturellement à bien des fantasmes dans le couple... tant du côté des hommes que des femmes. Travaillons d'abord la technique, l'organisation corporelle, puis partageons après, seulement après, nos fantasmes du tango argentin, sans nous déchirer mutuellement tendons et muscles, ni malmener articulations et colonne vertébrale! Si la femme moderne, libérée, n'est plus un objet, le danseur de tango n'a pas non plus à en être un dans l'abrazo...