Mystère de l'être fragile
Comment trouver la force dans sa fragilité et ses faiblesses: mystère de l'être fragile
Certaines fleurs au coeur trop fragile s'entourent d'une épaisse toison d'épines, de ronces, certaines créatures vulnérables prennent parfois des formes étranges, s'adaptent à leur environnement sans construire de carapaces mais avec un don pour s'accommoder des défenses des bêtes les plus féroces, certains fruits délicieux n'offrent leur chair qu'à celles et ceux qui savent les voir, les repérer...
Comment trouver la force de rester dans le grand manège humain, sans se perdre, comment s'adapter aux grands courants de l'espèce humaine quand on boite, quand on est aveugle, quand on est différent, quand on n'a que la chair d'un mollusque à défaut d'écailles, comment faire de sa fragilité une force, et de ses faiblesses un art de vivre, comment trouver une raison d'être encore ici lorsque l'on ne peut pas faire comme les autres, comment encore faire semblant d'être comme son frère alors que l'on s'aperçoit que nos sangs ne battent pas dans les mêmes chemins de vie?
On dit que les apparences ne font pas tout, que l'essentiel est à l'intérieur, invisible, à l'abri des yeux qui ne savent pas voir.
Mais l'apparence que l'on prend une fois arrivé sur terre, la couleur de la peau, le genre, le poids, la taille, les handicaps qui surgissent dans le corps ou les émotions, le lieu de naissance, la famille, le milieu culturel, social et professionnel, conditionnent l'être, le façonnent, lui proposant un chemin plus ou moins escarpé pour avancer dans son existence, lui offrant plus ou moins d'espace pour déployer ses ailes, plus ou moins de carrefours, de virages et de dimensions pour l'inviter à la liberté de choisir la vie qui lui convient le mieux...
Il est des êtres qui se cherchent, et qui ne se trouvent pas, des qui se trouvent qu'en se perdant en d'inlassables départs sans retours. Il est des êtres si fragiles qu'ils ne parviennent pas à s'installer à l'endroit où les arbres aiment s'enraciner.
Le désespoir est utile, il fait baisser les bras, et fait tomber les illusions. Il pousse à bout, et c'est à bout, qu'il provoque les changements nécessaires. L'être fragile trouve des solutions à des endroits où un être bien constitué n'aurait jamais idée d'aller les chercher.
L'être aux mille faiblesses découvre qu'il n'a de faiblesses que devant le jugement des autres. Alors il apprend à partir, à demeurer invisible...
Parfois, on s'en va. C'est nécessaire. Il est des navires qui s'en vont à l'aube. On les aurait cru solides fondations, forteresses ancrées sur pilotis, mais celles et ceux qui étaient invités à bord, savaient qu'à l'intérieur, ça tremblait de toute part... Il est des hommes, des femmes, qui sont comme les navires: ils partent à l'aube et nul ne sait s'ils reviendront.
Un arbre qui pousse dans une forêt prend la forme que lui laissent ses confrères. Il étale ses branches à travers les espaces que celles-ci peuvent trouver... guider par la lumière interstitielle des autres frondaisons.
Parfois un jeune arbre n'a pas l'espace requis pour sa survie: certains êtres ne peuvent s'enraciner parce qu'ils ne se trouvent jamais au bon endroit. Ils s'en font une habitude, ils se déracinent eux-mêmes.
L'existence est un étrange lieu où l'on découvre que la force ne peut se passer de la faiblesse, que les joies ne peuvent exister sans quelques malheurs qui leur donnent toute leur beauté.
L'existence est une planète: on est certain que demain le soleil se lèvera demain à l'est, mais l'on ne s'est jamais à quel endroit on se trouvera pour assister au spectacle...