La femme qui murmurait aux oreilles du mur

Publié le par Violette

Comment décorer son tango quand on est une femme hors-jeu?

 

Petit bout de femme, un murmure puis un soupir.

J'ai étalé mon fond de teint sur le mur blanc de mon appartement à qui je confie mes doux secrets de danseuse de tango argentin.

Cela fait trois ans que ça dure, syndrome de l'égo, la déco est à refaire, les pieds en feu, j'ai explosé mes chaussures rouges à talon aiguille, puis mes autres, de marques italiennes. Les figures s'ennuient et mon petit derrière de jument indomptable s'amuse, ça, c'est histoire de reprendre la célèbre citation de Georges Clemenceau.

 

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Les murs ont des oreilles, mes oreilles un piercing, et toute la décoration à refaire pour la rentrée littéraire d'une vierge du tango

 

Les murs ont des oreilles. L'événement n'a rien d'exceptionnel. Petit bout de femme d'un mètre soixante hésite à repeindre son mur en rose fuchsia. En plus du syndrome de l'égo, contrairement aux danseurs de tango, j'ai une forte tendance à la déco. Je ne pense qu'à une seule chose, comment embellir ma danse; c'est devenu une obsession. Je m'appelle Violette, petite et charmante danseuse qui murmure aux oreilles des hommes les secrets du tango rioplatense.

J'ai horreur des journées événementielles. Mais pas des araignées. Il faut que je vous annonce une naissance. Heureux événement que voilà, les murs ont des oreilles et j'entends les langues de vipères murmurer, autre symptôme d'un égo démesuré, passé la quarantaine, insuffisance d'œstrogènes, trop de testostérone, mes bouffées de chaleur devant mon appareil numérique sont symptomatiques du démon de midi: vais-je leur plaire encore à mon âge?

Femme narcissique, agoraphobe, j'ai les yeux plus grands que la bouche, et la bouche en cul-de-poule, devant mon mur, je murmure et je gémis.

Dans la milonga, assise à mon guéridon, je baisse les yeux. La mirada est une chose que je n'ose pas faire. Les hommes du bal m'impressionnent. Après les piercings à mes oreilles, ce fut au tour de la narine gauche, reste encore le nombril prévu pour mars 2021. Comment embellir son visage quand on est une femme hors-jeu qui va sur ses cinquante ans? Et... Comment ne pas perdre la tête, serrée par des bras audacieux? Voilà que j'entends dans ma tête le beau texte de Léon Agel. Car on croit toujours aux doux mots d'amour, quand ils sont dits avec les yeux.

Chantée pour la première fois par Lucienne Delyle, si jolie valse musette, et ce refrain que je murmure tout bas pour que personne ne m'entende, quand je quitte ma table et que je me dirige vers les toilettes. Cette soirée était ma dernière, les prochaines milongas seront pour les milongueros qui m'adorent, me veulent, et se gardent bien d'ignorer cette pauvre petite et talentueuse tanguera.

 

 

Des murmures aux sanglots, le syndrome de la décoratrice sur talon aiguille, et faire-part de naissance

 

Le faire-part de naissance? Je leur ai envoyé le 18 juillet, pour la Sainte-Frédérique. Vous assistez à une catastrophe, parce que coincée entre les toilettes et le syndrome d'Asperger, une femme de Lettres murmure au miroir ses plus hautes espérances.

La rentrée en fête, égoïstes danseurs qui passent à côté de l'événement, et une reine de l'adorno de plus en plus ghostée; c'est en France, pas à Buenos Aires; leur mirada me snoberait-elle? Une rentrée littéraire telle une fausse couche. Leurs regards tordus m'ont à peine effleurée; l'azur au fond de mes yeux et le rouge aux lèvres, je suis adossée contre le mur, invisible milonguera, je fais partie du décor? Une poupée de cire? La milonga, ce n'est quand même pas le bois de Boulogne! Je suis peut-être morte, jolie danseuse de tango qui hante les bals, et il n'y a que moi qui ne serais pas au courant?

Prendre refuge dans les toilettes, murmurer l'invective, abandonner tout espoir et traverser le miroir. Faire semblant de sangloter avant d'ajuster la mèche et remettre du rouge-à-lèvre.

Aux creux d'une oreille, mes confidences vont droit au cœur d'un milonguero qui passait par là. Aucune décoration, on n'y met pas le style, il est simplement le premier de ma collection, les cheveux blonds ébouriffés, la bouche une fois de plus en cul-de-poule, invitée à me taire et contrainte de ravaler mon orgueil.

 

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Dois-je repeindre le mur de mes lamentations en violine, en pourpre ou en rose foncé? J'attends mon fiancé de pied ferme. S'emmurer en murmurant des mantras dès qu'arrive l'automne, jusqu'au printemps, n'est vraisemblablement pas la meilleure des solutions. Mes idées d'embellissements, je les incarne sur talons aiguilles, entre un sanglot et un orgasme que mon maestro de mari veut bien me donner. Ma gorge n'est pas assez profonde, pour y cacher tous mes secrets du tango rioplatense.

L'égo de mon Jules brise le mien, il est mon gourou, je suis en levrette, il aime repeindre les formes si finement ciselées que je lui présente. Expo-déco et démo de tango, boire des litres de lait d'avoine et de soja, enfin contre le mur, faire des fioritures, et des pieds, et des mains, tandis que mon homme m'emmène au coin; je regrette cet été, j'étais encore vierge; j'avais acheté une boîte de préservatifs. Pour rien. Soliloque et jeux de jambes devant mon mur, je rêvasse en attendant la cinquantaine, des rêves jetés au fond de la crevasse, béante attitude pour une femme esseulée qui murmurait aux oreilles du mur.

Tel est le syndrome d'une lady chevauchée à cru par les incubes du Rio de la Plata, un ensemble de signes cliniques, sangloter au pied d'un mur, parler toute seule pour mieux se faire entendre, repeindre sa chambre en mauve, refaire la décoration de son tango, des écarts à la norme, petites obsessions qui ne sont ni pathologiques, ni celles d'une cochonne. Comment ne pas perdre la tête, alors que les possédés du tango argentin m'ont oubliée dans leur abrazo cerrado? Ah les cochons! Balance ton porc!

La femme qui dansait devant, avec et contre le mur de sa chambre,

décorations ultra féminines d'une tanguera mûre

 

Je vous annonçais donc précédemment la naissance d'une maestra du tango argentin. Au mois de mars 2016, une femme s'est mise à faire plein de trucs bizarres avec ses talons de dix centimètres devant l'un des murs de sa chambre; on appelle ça des fioritures, ou "adornos" en espagnol; selon son humeur, c'est un petit bout de femme, qui dansait avec ou contre son mur.

Il y a un an et demi j'étais encore une débutante de la décoration. Une vierge du talon aiguille. Une femme qui imaginait le danseur parfait en se frottant au mur, qui rêvait d'un abrazo cerrado apretado milonguero exagerado en se faisant lascive et affectueuse. Je pourrais faire disparaître de mon blog mes premières improvisations, j'en ai supprimées d'ailleurs, mais j'en ai gardées pas mal. Ou presque plus. Histoire de proposer une chronologie de mes progrès. Je suis impatiente d'entamer une nouvelle vague d'entraînements technique femme.

Aujourd'hui, je suis devenue une petite dame du tango rioplatense loin de Paris. Bien que je sois une danseuse mûre, rares sont les danseurs qui osent m'inviter en milonga. C'est bien triste, mais c'est mal ainsi.

 

Le jour où je rencontrerai un maestro, je pourrai exprimer le meilleur de mon tango au féminin. Pour l'instant, je guide beaucoup les femmes, et quand j'enfile mes chaussures à talon, j'invite encore les femmes... J'attends quand même un peu, parfois toute une tanda, puis deux, puis trois, puis soixante-neuf. Tous les garçons invitent les filles, les gens s'engouffrent sur la piste de danse, et moi, je reste avec mon syndrome de l'égo: voyons! faut être vachement égoïste pour se permettre de caresser le rêve d'être invitée par une petite dizaine de cavaliers durant une milonga... Une dizaine. Allons! Même une demi-douzaine, et je serais la plus heureuse des femmes dans nos milongas de France.

 

Paraît-il qu'on n'a pas tout ce que l'on veut dans la vie. Alors j'ai cessé de vouloir. En théorie, il ne faudrait pas désirer ce que l'on n'a pas. Loi de l'attraction: si les danseurs de tango avaient un cœur de fer, je mettrais des aimants dans mon soutien-gorge. Femme qui rit, tanguera qui pleure en silence. Assise sur ma chaise, j'ai l'impression étrange d'être une reine invisible, ce n'est pourtant pas un trône sur lequel j'ai posé mes fesses, mais les hommes, je ne leur cours plus après, c'est comme en amour, plus tu cherches le prince charmant, plus il te fuit.

La femme qui fait la gueule, les mecs n'en veulent pas. Comment augmenter les chances d'être invitée dans les milongas? Mirada avec le sourire, faire semblant de regarder, ne surtout pas insister avec les yeux. La danseuse qui rit n'est pas prise au sérieux, et la femme qui a des couilles fait peur. Une femme ne doit pas trop se maquiller, sinon elle ressemble à un travelo. Du moins, ça la vieillit.

Ainsi mise au pied du mur, je continue mes improvisations, mes performances, toute seule, comme une grande fille, chez moi. Quand je rentre déçue d'une soirée, dans la semaine qui suit, je fais quelques séries d'embellissements et de technique féminine. J'y prends plaisir. A force de m'entraîner, j'ai fini par devenir une maestra. Jolie maîtresse cherche maintenant son amant. Où se cache-t-il mon maestro? A vrai dire, je ne cherche pas, attention à la loi de l'attraction! Puis... chaque chose en son temps.

 

Mirada: la femme qui rit est une danseuse de tango argentin qui pleure au pied du mur, personne ne l'invite en milonga

 

Peut-être que j'aurais bien besoin en ce moment de me trouver un mari, sinon un copain qui aimerait murmurer à mon oreille des mots doux et coquins, qui serait gentil comme tout avec la femme encore si fragile que je suis parfois, un homme célibataire qui aime les promenades, la bière à la terrasse d'un café, la danse, le théâtre et la langue française. Même s'il ne danse pas le tango, à partir du moment où j'arrive à me caser, ça ira un peu mieux après. Suis une jolie quadragénaire très affectueuse. La solitude, ça va un moment...

Je me débrouille tant bien que mal en me préparant des repas bio. Je mange pas mal de légumes. J'aurais une certaine tendance à devenir végétarienne, en privilégiant les œufs. Mais je craque encore de temps en temps devant un poulet fermier, un peu de saucisson sec, du foie de morue et des sardines à l'huile d'olive. Je me suis mise à la couture. Enfin... je m'entraîne à faire des ourlets.

La charmante et petite femme blonde aux beaux yeux bleus, à la taille fine (taille xs/34, et qui chausse du 37), célibataire de la quarantaine, danseuse virtuose de tango argentin dans la cité papale, auteure d'une pièce de théâtre intitulée "Le Mystère Victor", dont le format pdf comprenant 86 pages est en téléchargement gratuit dans ce blogue, mignonne créature bon chic, vintage un tantinet genre gothique, que les milongueros ne veulent jamais inviter dans les milongas du sud-est, qui cherche un homme aux muscles saillants, quadra ou quinquagénaire, doux et gentil, assez viril et un peu macho, caresse le projet d'un mariage discret, d'une vie plus ou moins en couple débarrassée des boîtes de capotes, avec test et fidélité. Et beaucoup de romantisme!

Le tango, ça rentre par les oreilles, ça sort par les orteils

L'histoire émouvante de la femme virtuose qui montrait ses décorations tangueras face contre mur

 

Tango Girl Even: entre le festival des feuilles mortes emportées par le mistral dans une ruelle provençale, et le marathon d'une femme soumise aux horreurs de la testostérone, entre les durs à queer dont la vie en rose tapisse les murs des meeting rooms aux quatre coins de l'Europe, et les gentils bisounours du totally tango, entre la secte des milongueros qui ne jurent que par l'encuentro, et nos charmantes milongas provinciales, un événement est passé totalement inaperçu. L'heureux événement que voilà: le tango, ça rentre par les oreilles, ça sort par les orteils. Attention, ceci n'est pas une citation, même si Friedrich Nietzsche m'y a aidé un peu.

 

tanguera gothique, chaussures talons hauts couleur chair, jupe plissée dentelle noire

 

Eve'n'Tango: Dieu créa la femme qui murmurait aux oreilles du mur, en prenant une côte d'Adam. J'ai beau être un maestro au féminin, je demeure le travesti du tango rioplatense en France.

L'expression: Qui danse mal accuse le sol d'être humide, est un proverbe qui décrit très bien la propension verticale d'un macho à propager ses défauts sur l'horizon des danseuses qui doivent subir la dictature des donneurs de leçon sur le dancefloor, et de leur désir de mâle en quête de chairs fraîches.

Les beaux dessins que font mes talons aiguilles sur le plan horizontal sont aussitôt effacés par des gros bras qui violentent ma petite charpente de tanguera qui murmurait à l'oreille des étalons, des douceurs et autres mots bleus, afin de les éveiller sur le lâcher-prise.

Aïe, tu me fais mal! Heureusement que tu ne me fais pas l'amour! Quand je vois comment tu me bouscules et me retournes sur le parquet flottant, j'imagine l'éjaculateur précoce, le lapin de garenne.

A ces bougres de notre grande famille française du tango, va leur annoncer ton heureux événement, celui de la naissance d'une maestria double rôle sur talons hauts, aux superbes adornos, qui a du duende et un grand sens de l'improvisation!

 

Encuentro milonguero: tanguero maestro totally double rôle tango girl, even masterclass danseuse leader follower, homme qui fait la tanguera sur talons hauts dans les milongas françaises

 

Event...aïe! Va faire une mirada dans une milonga quand tu es le travelo du tango, c'est comme faire la mirada à un mur. Holà! L'heureux événement! La tanguera s'est vêtue de sa plus belle robe. Madame Ocho Cortado décore le plancher de son plus joli pivot, trace des cercles, et exécute des arabesques entre le ciel et la terre: mais quand on veut décrocher l'ampoule au plafond, faut viser la lune, et ça, ça vient sans doute d'une citation. D'où mes adornos de toute beauté, mes ganchos et boleos spectaculaires. Faut me comprendre!

 

Comment faire de belles fioritures musicales, embellir sa danse. Décorations talon tango femme. Adornos Mistress Class

 

L'œuf ne danse pas avec la pierre, proverbe africain, et je suis dans l'œuf, il n'y a pas de lézard, j'étais seulement un bébé maestro, à force de faire mes exercices tango technique femme, et des fioritures par milliers, j'ai fini par devenir malgré moi, entre une psychose blanche et une dysphorie de genre, la jeune femme experte du double rôle, ni totally, ni queer, juste du tango, rien que du tango.

A cœur aimable, corps émouvant, celui de la vierge qui pleurait sur son oreiller, celui du petit homme menu et léger, fragile et efféminé, enfermé dans la cité du Troisième Genre, le cœur d'une possédée du tango, le corps émouvant d'une femme transgenre qui murmurait au micro de sa caméra, des espoirs vains, et des lendemains espérant. "Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être adaptée à une société malade." Telle est la citation de Jiddu Krishnamurti que je balance contre mon mur.

 

chaussures femme de tango argentin, qualité supérieure, souple et robuste, taille 37, hauteur talons hauts: 10cm, couleur chair, brides fines,

 

Tel est l'heureux événement, la naissance d'une maestra, d'une danseuse virtuose leader + follower, à l'aise sur talons aiguilles comme à plat, merveilleusement connectée à ses partenaires de danse, ancrée d'une manière remarquable, malgré ses quarante-cinq kilos tout mouillés.

Je n'ai jamais eu mes règles, jamais eu d'hymen, voilà que dans le Sud, quand les démons sonnent midi, je fais des confidences de minuit dans mon journal. Des femmes m'en veulent parce que je danse telle une maestra. Cite-moi une maestra qui n'est pas une femme sur notre planète du tango? Coincée entre Eve et Adam, prodigieuse milonguera désormais soumise au double rôle,  ni nuevo, ni encuentro, ni lesbienne, ni hormonée, parce que je suis une folle lucide, que la folie prophétise des événements qui effraient les gens du tango rioplatense, me voilà comme génie condamné à l'exil.

 

journal d'une femme transgenre

 

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