Le jour où il m'a fait l'amour
I
La vague une amertume et la chaîne à mon coeur
Ont eu raison des frontières, et du faux bonheur
Que fière, j'avais posés devant ses ritournelles
D'inconnu tombé sous les charmes effrontés
D'un banci qui s'est voulu belle et honorée.
II
Belle farce à contretemps face contre terre
Ce jour où il m'a fait l'amour au détriment
D'un quotidien chaste où j'adorais seulement
Avoir une peau toute autre sous des faux airs
Avoir ce mystère élu, à corps défendant,
De la femme et encor sa vie et ses tenants.
III
Une étincelle et du frisson quand de sa vague
Sont nées troublantes infinies lames de fond
Et las, amer au coeur de mes chairs, se confond
Surpris le traître qui lâche aussitôt la dague
Le jour où d'amour il s'est glissé dans mes creux
Etroits que je lui livrais pour faire un heureux.
IV
Amertume aux chaudes saccades écoulée
Au fond tout au fond de mes gorges déployées
Liqueur inattendue dès lors que je quittais femme
- cette ancienne vie - quand j'ai retroussé mon âme
Traversé miroir et désert, hijra dont il
Renversa le songe vexé d'un bel exil.
V
Inconnu tombé sous les charmes effrontés
D'une sombre élégie de mon corps éhonté
J'ai ouvert ma porte et... il est entré. Un diable
J'ai connu la femme amoureuse et adorable
Demeurée ouverte où bien d'autres m'ont testée
Devenue femelle un soir je le suis restée.
VI
Indicibles et troublantes lames de fond
Mon exil a été si long jusqu'à Violette
Un moindre mal: agaçantes larmes de fond
Est venu le jour où il m'a rendue coquette
Est venu le cri sous son dard inespéré
Mettant terme à mon exil. Enfin! Respirer.
VII
Un corps d'homme, un corps frêle, dans une âme de femme
Un corps frêle au poids plume, cet homme efféminé!
Le poids du passé, vie que je pensais infâme
Une double vie passée, maigre blondinet
Doux, menu, avec ce quelque chose en travers
Créature ondulante à la façon d'un ver.
VIII
Mourir avant Nouvel An mourir pour minuit
Mort du trente-et-un décembre après rituel
Quatorze hivers, soit deux cycles, sortir de la nuit
La mort. Accouchement - processus factuel
Précieuse ridicule ornementée aux lobes
Je meurs de ma vieille vie. Perle rare à l'aube...
IX
Je m'oublie je m'abandonne aux quelques minutes
Qu'ils me volent, quelques heures - égarée au milieu
De ce qu'il décide, lui - entre leurs mains hirsutes
J'en oublie mon propre plaisir pourvu qu'aient lieu
leur victoire et leurs petites morts! J'abandonne
Mes réclamations larmoyante ô je me donne!
X
Amant sans patience, fais-moi l'amour fais-moi mal
J'aime tes absences, de ma vertu les malheurs
Aimant collé à ma peau dru dur un beau mâle
Sur une fille artificielle et gaie un leurre
Erigé tu glisses (à mon oreille) l'anathème
- Ah ma petite Violette! dis-tu, que je t'aime!
XI
Plutôt fuir les hommes curieux mariés ils viennent
Ils vont arracher cris et pleurs gémissements
Une plainte longue et langoureuse et ne tiennent
Qu'à leur noire obsession sous mes vomissements
J'en oublie rose exaltation pourvu qu'ait lieu
Leur petite mort dans ma chair aux beaux milieux.
XII
- Ah ma petite Violette! dit-il, que je t'aime!
- Pareil! ô mon amant mon prince mon violeur
Mais aucun n'a décliné de généreux thème
Pressés qu'ils étaient d'en finir ces vils miauleurs
Qui vous ronronnent, le neurone à vif - Tiens cochonne!
Suis-je donc la valseuse de secours leur chaconne?
XIII
Balle perdue de Verlaine à destination
De Rimbaud mais moi je ne peux leur en vouloir
Car sur cette invisible et discrète nation
Du libertinage masculin des couloirs
De hammam sombres bois parking chambres d'hôtel
J'ignorais tout novice leur servais d'autel.
XIV
Muqueuses parfumées garnir hanches et lèvres
Vagin tous mes aspects de l'homme annihilés
Corps accessoirisé de Sir Seguin la chèvre
A l'orée des chênes me faisant les yeux doux
Ma féminité attend faut-il partir? d'où?
XV
Mise au pied du mur ventre et face contre terre
Mise à nu des pieds au front leurs vents de folie
Ont volé mon coeur vous m'invitez à me taire
Belle farce à contretemps face contre mur
Ceinte et captive cueillie je suis un fruit mûr.
XVI
Qu'auguste altier votre geste irrévérencieux
Ait pressé mon coeur naïf aux septièmes cieux
Ô mon Roi mon Amant et cher Monsieur martial
Je ne ferai plus cette erreur de vous céder
Mon âme à vaincre ses peurs soi-même s'aider.
XVII
Je vous fais à corps défendant la révérence
Ô mon Roi vous qui me soumettez rêve errances
Vous réussissez à combler mon rêve heureuse
A me rendre à l'évidence imposer vos lois
Sur mes errances les remplir de bon aloi.
XVIII
Laisse-moi le temps glisse-toi d'une paresse
Qui fait se lever des montagnes sans forcer
Laisse-toi venir non! retires-toi orser
N'est pas jouer tu me fais mal mon vilain mâle
Jette un oeil j'ai des accessoires dans la malle.
XIX
- Une possédée du tango plutôt! beau prince
Ô mon ami! et votre esclave sur sellette;
Après la fessée il reprend: - pour toi j'en pince
Mais pour toi - aïe! - je ne ferai aucun effort!
Dans l'art et façon de me soumettre il est fort.
XX
Hystérique un peu trop chaste aux airs de princesse
Mariage de raison devenir Conchita
Demeurer chaste et sous clef servante sans cesse
Chasteté d'une ladyboy émasculée
Et dans le cachot d'un mari être acculée.
XXI
Du vice et d'un marquis dans les couloirs sordides
D'un dix-neuvième siècle en lugubres sornettes
Des sofas d'antiquaire et des éphémérides
Pour recenser les sécrétions et les fragrances
Du crime et du viol des chairs lacérées et rances.
XXII
A trois reprises: soirées passionnantes et vraies
Puisque je me souviens encor de son nom d'homme
Clairvoyant qui ma bonne graine de l'ivraie
M'a proposé de commencer à séparer
Des vies antérieures et des anges m'a parlé...
XXIII
Abondante testostérone appareillant
Monstrueusement ma charpente ourlée de dame
A contre-courant remonter en éveillant
Les synaptiques chemins fleuris et ourdir
Une métamorphose à rebours c'est pour dire!
XXIV
Telle a été l'une de mes vies antérieures
Du Saint-Office en garderais-je un souvenir?
Non fut réponse à ma question: vais-je devenir
Un écrivain? - tu ne seras pas publié
Mais tes vies vont être par ta plume reliées.
XXV
Frédérique Violette, femme de Lettres, écrivaine
Combien d'amours sans lendemain et de souffrances
De brèves rencontres, d'hommes trop fades, de nuits vaines
De minutes redoutées tandis qu'ils jouissaient
Pour permettre à mon étendard de se hisser?
XXVI
(Abondante testostérone enorgueillie
Malheureusement sur ma pente ourlée de dame
A contre-courant qui était ainsi cueillie
Par sympathiques beaux mecs époux et curieux)
Connaître ce féminin en moi... impérieux!
XXVII
Deux hommes, comme deux filles, j'ai compris ce jour-là
Que je n'étais pas du tout réversible et sage
Je ne partage pas mon rôle qui pour la
Peine et l'indomptable posture me rapproche
De la gente féminine - asseoir mon encoche.
XXVIII
Qui me rapproche de la femme et de la vierge
Cette hystérie des mille et une nuits eh bien
Me renvoie donc à la chambrière aux dix verges
Aux morsures d'un fouet aux sillages rougeâtres
De la badine et au feu promis de mon âtre.
XXIX
Perle rare et dorée précieuse ridicule
Précieuse pierre du tango un édicule
Baignée sur talons hauts dans ma gynéphilie
Soulagée! vêtements d'homme que j'ai jetés
Pour construire sereinement mon gynécée.
XXX
Les hommes ça va ça vient puis on n'en veut plus
Pas des comme ça en tout cas petits plats lentilles
Courgettes et carottes, ails oignons un peu plus
Je suis bonne à marier: mettre l'huile d'olive
Une entrecôte pour lui pour moi les endives.
XXXI
Comme à la ville une nouvelle amie docile
Adorable je ne fais pas la difficile
Douce, belle amie qui perd toujours au jeu de go
Câline en jouant aux dames, échec à mon Roi
Et mat: blonde à l'intérieur d'un cheval de Troie.
XXXII
Entre Justine ou sa vertu et ses malheurs
Et Madame de Saint-Ange, du Marquis de Sade
De Mérimée sa Carmen gitane en chaleur
Au coeur glacial d'une Vénus à la fourrure
Sacher-Masoch, je vis sous toutes les coutures.
XXXIII
Dans un mobil-home cabane égarée des Landes
Pour mes 33 ans végétale et boisée bande
Sonore et bien hors du temps son exhalaison
Funeste où je me perdais dans l'isolement
Où j'ai trouvé la Foi par le retranchement.
XXXIV
Les gars de mon âge me traitaient de gonzesse
C'est à dix-huit ans que j'enfilai en cachette
Des collants avec un pull en guise de robe
Dans les bois ainsi petits souliers de fillette
Ne pourrai donc malheur! jamais porter de robe.
XXXV
Une double vie passée cachée mais innée
Et mon second malheur: ne pas avoir corps d'homme
Maigre et petit pareil ô mon second malheur
Moins un par moins un ça fait plus un et je gomme
En même temps ah l'heureux sort! mes deux malheurs.
XXXVI
L'exemple d'une bien étrange dynastie
D'amazones en Allemagne en effet: soldats
De l'armée qui frappaient arme et marchaient au pas
Déclenchant une forte poussée du sein gauche
Bons pour une ablation! d'un seul côté c'est moche!
XXXVII
La plaquette de pilules contraceptives
Par mégarde oubliée par maman oisive
Gynécomastie pareillement qui détale
Après la prise de certains médicaments
Ou chez bodybuilders sous anabolisants
XXXVIII
Tango Reine des danses, une danse... si longue à
Découvrir apprivoiser apprendre et dompter
Riche humainement c'est elle qui m'a domptée
Ses secrets ont été enfouis dans mes entrailles
Je suis sa servante sans relâche ni faille.
XXXIX
Une vie bel et bien je veux au féminin
Que mon chef mon beau prince affamé s'énamoure
En voyant ma silhouette au verso masculin
Qu'entre deux rendez-vous mâle passe et retrousse
Ma jolie jupe ô! reste au moins pour ma frimousse!
XL
Mon coeur du mauve, du bleu un peu de blush et l'or
Pendentifs bijoux et chaînes au cou aux lobes
A mes poignets et mes chevilles, arrive l'aube
Epuisée d'amour et le souffle de sa bouche
Du rouge, du rose, un homme en furie dans ma couche.
XLI
L'opération mais pas de vaginoplastie
Des hormones pour la vie jolie dépendance
L'oestrogène un choix de vie: sortilège ou danse?
De la masse musculaire en diminution
Graisse féminine ô nouvelle partition!
XLII
Repousser le baiser d'un homme à vingt-deux ans
Craintive on recule souvent avant de s'en
Faire une raison pour se livrer à Sodome
Et gomme hors du temps et de l'espace une vague
Idée de Sa Majesté à mon doigt sa bague.
XLIII
Fardée poudrée yeux bleus le regard charbonneux
Bustier corset taille de guêpe et joli noeud
Des oeillets un lacet entrecroisé ficelle
Qui lacère une hanche un rein et sa cambrure
Ruban de satin dos et seins nus des zébrures.
XLIV
Maîtresse obligée que chiale une gourgandine
Détresse humaine et des chiens qui remuent la queue
N'en ont rien à foutre alors que je me dandine
Sous leur table une chienne en laisse et Messieurs dînent
Sur la table allongée - leur festin - mes Rois dînent.
XLV
Misère aux quatre coins du salon il fêla
Une baguette en frappant le divan soubrette
Apeurée il n'y a pas mieux pour affoler
Sa jolie proie en éclats de sanglots voler
Rires et champagne en retroussant ma jupette.
XLVI
Les soeurs trop souvent semblent compter pour du beurre
L'homme est fait ainsi à cet impérieux besoin
De se fondre inconscient collectif! et le mien?
Un bocal fermé rempli d'eau dans l'océan
Tant de murs pour tant de violence un point séant.
XLVII
Avec des inconnus coquins j'ai fait l'amour
L'amour toute la nuit amant voilà que cesse
Va et vient mon tourment les rencontres d'un jour
Des rois sans lendemain ma bouche fatiguait
Ô Tango mon ami je suis devenue gaie.
XLVIII
De vouloir en tout point ressembler à la femme
Partir de ma biologie vers combien d'essais
Pour ajuster mon corps aux vérités de l'âme
Combien d'initiations intimes et de rites
Anciens et acceptés Hermès et Aphrodite.
XLIX
Je me ferai belle et envoûtante à peau lisse
Vilaine ou craquante fille obscure et glamour
Des préliminaires au miel de propolis
Un goût de voyage en un ciel gonflé de manne
Que de Lady Plume affables rayons émanent.
L
Qu'une huître confectionne autour de l'infidèle
Cet intrus qui de l'autre côté du miroir
Se reflète en mots et en maux plume exutoire
Ecrire: ma thérapie dans le boudoir pour peu
Qu'elle plaise à mes lecteurs! Catharsis. Pour eux.
Le jour où il m'a fait l'amour
épopée gothique, texte intégral
Violette FZ
Avignon le 20 janvier 2017