Femme, ne me touche plus

Publié le par Frédéric Zarod

Tango Mystique

 

Femme, ne me touche plus, tes émotions du tango brisent mes reins. Danseuse de l'obscurité en mode gothique, arc-boutée sur mon corps de pécheur, paresseuse et agrippante, abandonnant sa couronne scapulaire, une lady aguicheuse sur talons trop hauts, milonguera allumeuse de faux-espoirs, tanguera dans son fantasme le plus nerveux, pareille aux sombres et belles femmes, ces diablesses  qui n'entendent pas l'appel de Jésus, le fils de Marie, tu résistes à l'appel du tango argentin, l'abrazo cerrado est le refuge des mauvais danseurs, comme disait un sud-américain, mais tu es venue, tu t'es présentée à la reine des danses en regardant avec tes yeux, pas avec ton coeur, tu étais pourtant une femme, et après le tango tu seras encore une femme, mais de quelle femme parle-t'on?


Un homme n'est rien quand il n'a qu'une armure, ainsi qu'une épée gesticulante, c'est comme poser une pièce de métal sur un rocher, avec des pensées d'amoureux romantique à éparpiller aux quatre vents.


Le cristal d'une coupe ne danse pas avec la pierre.


En Vérité je vous le dis, que ceux et celles qui ont des oreilles entendent, je n'ai rien à vous dire en vérité, dans mes entrailles les secrets du tango sont tombés, mes mains se sont refermées depuis que vous avez jeté vos pierres sur les cendres de la vérité. Les vérités sont comme autant de pavés sur le chemin qui conduisent à Dieu.


L'extase de l'enlacement, cet abrazo exagerado-nuevo-cerrado, la jouissance de la musique, ma transe, voilà la raison pour laquelle je ne veux plus venir au bal. Mon coeur parle si fort dans le tango, mon corps est comme l'aigle qui étend ses ailes au-dessus des plaines, les secrets du guidage et de la connexion sont enfouis dans mon ventre, ô Jésus, Notre Seigneur, que j'aille cacher à la nuit tombée mes larmes, en ces nuits les plus longues, je retourne sur les sentiers que les hommes ont oubliés. J'oublie que des tangos m'ont arrosé de mille sonorités, des pianos qui frétillent, des violons qui pleurent, des bandonéons qui inspirent, une fleur vient d'éclore dans vos jardins, élévation spirituelle que l'orgue historique suscite, enracinement de mon corps pour que s'élèvent mes plus hautes espérances, s'érigent mes plus hautes exigences, la piste de danse en devient le dernier étage, en haut de la tour, je me jette, car je croyais qu'il y avait une tour, et dedans, un lit à baldaquin où dormait une danseuse vierge, une princesse, lady tanguera qui aurait pris le temps de poser son talon, un donjon où s'était endormie une âme innocente, où je pensais poser un baiser sur le front d'une milonguera encore pure, dont le corps n'est pas un mensonge, dont le coeur n'est pas cerclé de pointes.


Je me jette en haut de cette tour qui n'existe plus, et d'un vol j'en fais mille, et je tombe si bas, si bas, que je sais maintenant que le tango n'est rien d'autre qu'un pas éternel, une spirale d'amour, mais nos bals sont étroits, nous devons nous bousculer entre fournaises et falaises sans savoir que ce n'est pas au pied de la montagne qu'on mesure la grandeur des choses invisibles, mais au creux d'une grotte qu'on entend le murmure des secrets.


Femme, ne me touche plus, tes émotions brisent mes reins parce que tu restes à l'extérieur de toi, sans savoir que Jésus m'a appelé au tango, alors que le nouveau pape est argentin.

Avignon le 22 décembre 2014

 

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